Contexte

Mon cher frère,

Je t'écris, cachée dans un coin de la laverie, en prenant le temps de ma pause ! Tu as de la chance que ta petite soeur sacrifie cette pause tant espérée pour toi ! J'espère, et je te conjure de prendre bien soin de toi ! Une amie qui travaille aux linges comme moi m'a raconté quelque chose d'horrible : elle connait un soldat qui en lavant son arme s'est tiré dans la tête... Fais que ça ne t'arrive pas, promis ?! Tu voulais de mes nouvelles au château ; que te dire à part que c'est toujours la même chose, toujours excitant bien sûr. Crois-moi, on ne s'ennuie pas, même si on bosse dur, les nobles étant toujours plus exigeants, plus maniaques, et surtout plus sales ! J'ai dû faire mariner des chemises pleines de tâches de fruit dans de l'urine pendant des heures pour qu'on ne me les renvoient pas à relaver. Enfin, je pense que mes petites histoires de servante ne t'intéresse pas, tu préfère connaître les vrais ragots ! Sa Majesté a pris une nouvelle maîtresse, De Fontanges qu'elle s'appelle. Plutôt jolie, mais pas bien futée à ce qu'on dit ! Elle n'a pas beaucoup de conversation, mais aime beaucoup les grandes robes et les plumes, ce qui rend jalouses toutes les autres dames, en voyant les cadeaux dont la couvre le Roi ! Ah, la jalousie, je crois que c'est bien le trait commun de toutes ces dames de la Cour ! Il n'empêche que je crois bien, pour avoir aperçu quelques doux regards, qu'elle aime sincèrement le Roi. Lui aussi... du moins, sa compagnie dans son noble lit ! Sa Majesté et les femmes, Il en oublierait presque de gouverner notre chère France ! Il faut que je te laisse, nous autres les domestiques avons à préparer le palais, en vue du somptueux banquet que le Roi va donner, pour... quoi en fait ? Ah oui, la venue des Etrangers ! Une flopée de demoiselles et de jeunes soldats, venus de lointaines contrées alliées. Tous les moyens sont bons pour faire couler le vin, n'est-ce-pas ! J'espère juste qu'ils ne nous donneront pas trop de boulot, ces invités, car ils vont rester un petit bout de temps... Prend bien soin de toi, mon frère adoré ! Je bénis chaque jour le ciel que notre vieux père nous ait appris à écrire.

Ta Soeur. »

Mon frère adoré,

Si tu savais comme je tremble ! Cachée derrière un énorme panier à linge, je profite de l'agitation pour t'écrire ces quelques mots ! Versailles est en pleine panique : il y a eu un nouvel assassinat ! Cette fois, c'est une des étrangères, une Suèdoise si je ne m'abuse, qui est tombée raide morte en plein banquet ! Enfin, non, pas raide morte, elle est juste tombée dans les vapes, et tous les sels du monde n'ont pas réussi à calmer ses spasmes. Diantre, c'en était cauchemardesque, surtout quand l'on sait qu'il y a déjà eu trois nobles, trois laquais et deux servantes décédés par empoisonnement ! Cette fois aussi, c'était un coup monté, un meurtre par poison ! Mon frère, je n'ai jamais fait autant attention à ce que j'avalais, j'ai tellement peur ! Le Roi ne fait plus venir la nourriture de Paris, mais de bien plus loin. Il essaie d'étouffer cette affaire, qu'elle ne s'ébruite pas autours de Paris, mais je suis certaine qu'il soupçonne certains membre de sa Cour. Il a engagé une police secrète, du moins, il en rempli un peu les rangs ! Ils sont discrets, mais tu me connais, j'ai l'oeil partout, et je sais qui ils sont ; habillés le plus souvent en noir, les yeux inquisiteurs, des chuchotis à tout bout de champs... C'est donc une drôle d'affaire qui se déroule ici !

Ta fidèle Soeur. »